Fin du procès italien à l’encontre de Billy, Costa et Silvia

Dans la matinée du 24 Mars 2016 à la Cour du tribunal de Turin, le verdict a été prononcé contre Silvia, Billy et Costa, déjà condamné.e.s en Suisse pour possession, transport et manipulation d’explosifs volés pour la tentative d’attaque du centre de recherche sur les nanotechnologies d’IBM à Zurich, en Suisse, au nom de l’ELF (Earth Liberation Front). Le procès suisse s’est terminé [en juillet 2011 ; NdXCX] avec des peines allant de trois ans et quatre mois à trois ans et huit mois.

Le procureur de Turin avait lui demandé des peines allant jusqu’à 5 ans et 6 mois pour les mêmes infractions. Le tribunal a statué sur la recevabilité du “Ne bis in idem” d’après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. Le procès est donc terminé.

Source : Croce Nera Anarchica

Voici une brève présentation des trois compagnon.ne.s tirée d’une brochure datant de février-mars 2011 (nous vous en conseillons la lecture):

Costantino Ragusa, Silvia Guerini et Luca Bernasconi (Billy) sont des anarchistes engagés dans différentes luttes et projets pour la libération animale et de la Terre en Italie. Costa et Silvia sont actifs dans le mouvement de libération animale depuis beaucoup d’années ; ils ont pris part à de nombreuses luttes écologistes locales et à la rédaction de la revue écologiste radicale de critique de la civilisation « Terra Selvaggia » [« Terre Sauvage »] ; ils ont participé à la création d’une nouvelle coalition contre les OGM et contre tout type de nocivité et ils sont actifs dans le soutien aux prisonniers. Ils sont depuis beaucoup de temps visés par la répression à cause de la détermination avec laquelle ils mènent leurs luttes.

Luca, connu comme Billy, a grandi au Tessin, est allé vivre en Italie où il a participé de manière active aux campagnes publiques de pression contre la vivisection et l’industrie de la fourrure, à la coalition contre les nocivités, et a mené un projet d’agriculture et de refuge pour animaux sauvés d’exploitations industrielles.

Une traduction d’un de leurs communiqués sorti en février 2015 :

Presque cinq ans se sont écoulés depuis notre arrestation en Suisse, quand, à un barrage de police sur l’Albispass, dans le Canton de Zurich, les flics ont trouvé dans notre voiture de l’explosif, quelques bonbonnes de gaz propane, des jerricanes d’essence et plusieurs copies d’un texte de revendication signé Earth Liberation Front Switzerland. La cible de l’attaque revendiquée dans ce texte était le Binning and Rohrer Nanotechnology Center, en construction à cette époque, appartenant à IBM en collaboration avec l’ETH, l’École polytechnique fédérale de Zurich.

Un an et demi après notre arrestation, il y a eu le procès, avec trois accusations contre nous : actes préparatoires criminels visant à un incendie volontaire, dissimulation et transport d’explosif et commerce non autorisé (importation) d’explosif. Le procureur fédéral Hansjörg Stadler demandait des peines entre 3 ans et 4 mois et 3 ans et 8 mois, demandes qui ont été favorablement accueillies par le juge fédéral Walter Wütrich. Le tribunal a aussi confirmé les accusations, à l’exception de celle de trafic (importation) d’explosif qui est tombée.
Au même temps, le procureur de Turin a immédiatement ouvert une enquête sur les cartouches d’explosif que les suisses ont trouvées sur nous, dans le but d’en établir la provenance. Au moment de la clôture de l’enquête, les accusations retenues envers nous par le procureur Enrico Arnaldi Di Balme sont au nombre de trois elles aussi : acte de terrorisme avec engins explosifs meurtriers, possession et transport en lieu public d’explosifs, recel (pour l’explosif), accusations qui ont la circonstance aggravante de la finalité de terrorisme.

Pendant ces cinq années, notre analyse du présent n’a pas arrêté de se confirmer et, par conséquence, notre sentiment anarchiste et écologiste n’a pu que se renforcer. Les nano-biotechnologies sont les plus récents des chemins battus dans la course du système capitaliste techno-industriel au pillage et au saccage de la Terre. Ce sont des chemins qui, comme tous les précédents (qu’on pense à l’ère de l’industrialisation), dépeignent comme des miracles ce qui, comme on peut facilement l’imaginer, se transformera en cauchemar par le futur.

Il s’agit de technologies naissant du changement de la vision du monde que l’ère de l’informatique a amené avec elle. Elle remplace la vision mécaniste des leviers et des engrenages avec la vision mathématicienne faite de bits d’informations, où la réalité dans son ensemble doit pouvoir rentrer dans un algorithme. Une nouvelle vision qui s’est affirmée parce qu’elle répond mieux aux exigences du système. En s’affermissant, ont éclos des possibilités pour la science qui jusque là étaient presque inimaginables, afin d’obtempérer à cette tâche que les temps et l’autophagie du système lui demandent de façon de plus en plus impérieuse d’accomplir : réussir à s’approprier chaque chose de l’univers afin de la décomposer dans ses plus petits infinitésimaux composants, en ses bits.

Il s’agit d’arriver à obtenir une unité de base universelle, à travers laquelle les savants puissent réduire tout l’existant à un degré suffisant d’interchangeabilité et d’équivalence, afin qu’après, avec l’ingénieurisation de cette nouvelle (car inaccessible auparavant) matière première, toute chose de cet univers devienne utilisable pour les exigences de la domination. Ces technologies sont donc, pour le système, un pilier sur lequel fonder à nouveau les processus, fondamentaux pour sa croissance, de production et d’approvisionnement. Une croissance qu’ils voudraient sans fin, dans une planète déjà saccagée hors de toute limite. Et la convergence des sciences, comme avec les OGM, est la dernière des promesses d’un développement qui aurait dû résoudre la crise écologique vers laquelle le même progrès écocidaire nous a emmenés.

Comme on l’a déjà écrit, le Binning and Rohrer Nanotechnology Center est devenu opérationnel et a été inauguré quelques mois avant notre procès en Suisse. Depuis presque trois ans, il offre 950 mètres carrés d’espace à la collaboration pour la recherche de base sur de nouveaux matériaux et éléments de construction à l’échelle nanométrique. Un lieu de recherche qui permettra aux chercheurs d’IBM, de l’ETH et d’autres partenaires, de mener la connaissance, mais surtout la possibilité d’application des nanotechnologies, plus loin, bien plus loin que l’utilisation actuelle dans les cosmétiques, les pneus ou les sprays nanotech. C’est ce que promet le directeur de cette structure, Matthias Kaiserswerth. Pour nous, même si les gens d’IBM et ETH se flattent d’avoir en leurs mains un laboratoire unique au monde – et pour certains aspects ils ont raison – la réalité est que les endroits où ils sont en train de pousser en avant l’ingénieurisation et la manipulation du vivant et de la planète sont nombreux et, surtout, ils sont un peu partout. Des centres de recherche et des multinationales aux universités, des pôles scientifiques aux institutions de recherche internationales, c’est un monde qui avance en parallèle à la réalité que nous vivons et qui projette et construit sur notre tête le futur qui nous sera imposé – et les grandes lignes qui sont déjà sous nos yeux. Un monde qui a un nom et une adresse.

Pendant des années, nous avons ressenti toujours plus l’urgence d’essayer de construire des luttes contre ce développement, justement à partir du constat qu’il est incontournable pour le système, ainsi que le constat de la nuisance représentée par les développements bio- et nanotechnologiques. Des nuisances, il faut le préciser, pas en tant que préjudice à la santé humaine, problème environnemental, mais en tant que rapport entre pouvoir et technologie qui se traduit en un refaçonnage/remplacement/destruction des écosystèmes et du vivant. Un concept de nuisance bien plus large et qui est directement lié à la seule vraie nuisance, qui est le système lui-même. C’est une urgence que nous continuons de ressentir et nous sommes convaincus que, face à ce saut en avant que le système technologique et industriel est en train d’accomplir, elle doit se traduire en une critique nécessairement radicale, qui ne peut pas faire abstraction du contexte social et économique, dont ces nuisances sont le produit et auquel elle sont nécessaires. Une critique qui, à son tour, sache transformer les mots et les coulées d’encre nécessaires pour l’exprimer et la développer, en lutte et en action directe. Nous restons donc encore convaincu.e.s de la nécessité de développer des luttes écologistes radicales, afin de contrarier ce développement techno-industriel mortifère, en maintenant cependant la ligne claire de voir dans la lutte seulement une possibilité réelle de remettre tout en discussion, pas un espace où chercher à se créer un rôle dans le théâtre politique ou pour offrir des alternatives « éco-soutenables » au système.

On voit que les lieux du pouvoir techno-scientifique sont en train de se décentraliser et de se moléculariser en une constellation d’intérêts et de projets ultra-spécifiques, même si après ils sont toujours nécessairement interconnectés entre eux. Intervenir et frapper là où ça fait le plus mal est toujours moins évident et moins facile à comprendre. Une source continuelle d’inspiration en ce sens arrive de ceux qui, dans tout le monde, continuent à sentir l’urgence de la lutte, en faisant avancer des projets, des campagnes, des mobilisations et des luttes en défense de ce dont on se sent partie, et de sabotages et attaques destructives contre ces rouages qui font partie du système industriel techno-scientifique, patriarcal et capitaliste.

Se mettre en jeu à travers la lutte, on le sait, ça veut probablement dire, tôt ou tard, se trouver face à la répression – on ne peut pas échapper à cela. La chose à laquelle on peut et, mieux, on doit échapper est de laisser seul.e.s celles et ceux qui sont frappé.e.s par la répression. Le soutien aux prisonnier.e.s est incontournable et, à côté de la solidarité et du soutien quotidien, il est important au même niveau et fondamental de donner de la suite aux luttes pour lesquelles les compagnon.ne.s sont en train de payer.

Dans notre cas, nous qui sommes en dehors de ces murs, nous avons vraiment apprécié les efforts des nombreux.ses compagnon.ne.s qui, à travers des soirées et des initiatives dans les derniers mois, au-delà de la chaleur du soutien le plus quotidien et nécessaire, ont donné de l’espace à notre affaire et, surtout, aux sujets à propos desquels nous estimons important d’échanger et de transmettre notre ressenti. Cela, pour nous, reste fondamental.

Le 23 avril est le jour de la séance préliminaire, quand ils décideront si ce procès « déjà vu » sera fait encore une fois ou non. De notre part, nous ne ressentons pas tant l’intérêt à rappeler l’attention sur notre cas précis, sur le procès contre nous, mais plutôt l’envie de réussir à transformer ce moment en une occasion de mobilisation pour relancer ces thématiques et le sentiment que nous partageons.
Mettre au centre de l’attention non pas la répression, mais l’agir sans délégation à autrui, contre les bio- et nanotechnologies, contre le nucléaire, contre toute autre nuisance de ce système mortifère et, au fond, contre ce présent d’annihilation et de dévastation.

Pour la libération de la Terre.
Pour la libération animale.

Billy, Costa, Silvia, février 2015.

Pour plus d’infos sur Billy, Costa et Silvia :

Silviabillycostaliberi

Solidarité avec Silvia, Billy et Costa !

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